Au Québec lorsqu’on veut parler des 45 / 70 ans au travail on parle de « travailleurs expérimentés » on emploie aussi les expressions « travailleurs âgés, ou chevronnés », en France on préfère la dénomination Senior. Je ne sais si c’est la notion du politiquement correct de nos cousins d’outre atlantique qui est passée par là ou leur sens de la précision, néanmoins force est de constater que la différence sémantique entre ces expressions est fondamentale.
Les mots ne sont jamais neutres. On aurait donc tort de les sous-estimer. Voyons un peu ce que recouvrent ces diverses appellations :
Parler de « travailleurs expérimentés » identifie une population précise avec des problématiques fortes et délivre une notion positive, active et dynamique : « travailleur », ils sont inscrits dans le monde du travail, de l’entreprise, en activité, « expérimentés » amène à une valeur ajoutée, basée sur l’expérience, la compétence.
Parler de Senior c’est amalgamer dans la même parole et pensée, un ensemble de population qui va de 45 ans (âge à partir duquel commence cet état dans le monde de l’entreprise) active et souvent confrontée à des difficultés de fin de carrière, à 75 ans? 80 ans? Voire plus si longévité, c’est-à-dire des retraités certes encore vigoureux, mais très loin dans l’esprit des préoccupations du monde du travail. Cette confusion sémantique se fait à la défaveur de ceux qui sont confrontés aux problématiques du monde du travail et du chômage longue durée.
Il n’y a qu’à regarder la presse spécialisée senior en France : elle traite quasi essentiellement des problématiques de santé, de retraite, de patrimoine et de sudoku et non des difficultés de certains de ces seniors à faire reconnaître leurs compétences, leurs motivations, leur expérience, face à un recruteur lors d’un entretien (pour peu qu’il ait eu la chance d’en décrocher un ; pour eux, même le CV anonyme n’est pas la solution). Par curiosité, jetez un œil sur le site du salon des seniors qui se tient tous les ans à Paris et vous verrez que j’ai raison.
L’actuel gouvernement veut lutter contre les préjugés, leurs prédécesseurs aussi, le voulaient. Commençons par nous attaquer à la terminologie et aux amalgames qu’elle induit. Quand vous entendez senior vous pensez à quoi ? Retraite, santé, petits-enfants, vieux ? Ne cherchez pas plus loin, tant que l’on aura cette représentation des seniors il n’y aura pas de progrès dans leur employabilité et sans doute pas non plus dans l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Il n’y a pas de raison que les chefs d’entreprise ou les recruteurs échappent à ces préjugés, il y a d’emblée une confusion des genres.
Si l’on veut faire évoluer la situation de l’emploi des plus de 50 ans il est nécessaire de dissocier dans l’esprit des gens : le travailleur, le professionnel, du retraité et de l’oisif. Et cela commence par la dénomination car elle sous-tend une représentation. Changer la représentation ne va certes pas résoudre tous les problèmes et ne fera pas tomber tous les préjugés, mais cela me paraît être un préalable nécessaire. (A noter que la situation de l’emploi des « travailleurs expérimentés » au Québec n’a pas suivi la courbe catastrophique des seniors français ces dernières années)
C’est aussi par-là que nos chers pouvoirs publics devraient commencer pour faire évoluer les mentalités. Après tout on a bien cherché à nous faire adopter «le technicien de surface » « le sans domicile fixe» et «le responsable des ressources humaines », avouez que « travailleur expérimenté » a plus de dynamisme, de vigueur, de réalité pour aborder les problématiques d’emploi de la génération des 45 / 70 ans.